J’interromps ma rédaction de thèse qui file à toute allure pour partager cette nouvelle de dernière heure: JE SUIS INQUIET…
Je suis inquiet de voir des sondages montrer une profonde division sur les enjeux derrière la hausse des frais de scolarité – enjeux qui, on le sait, ont tôt fait d’éclipser la hausse elle-même. Ces sondages m’inquiètent parce que malgré toute l’impartialité que je tente de donner dans la direction de mes lectures, rigueur académique oblige, je n’ai trouvé encore aucune argumentation digne de ce nom qui promeut la hausse. Je me dis donc que les arguments creux du genre « la juste part », « la sangria et les voyages » et « on est dans la m*rde » réussissent à convaincre un peu plus de la moitié de la population. C’est grave! Faudrait vraiment penser à enseigner la littératie médiatique au primaire et au secondaire, et ÇA PRESSE! (1)
Je suis inquiet par l’obstination d’un gouvernement à ignorer un pan considérable de la population, ce qui m’amène à voir un fond idéologique évident dans la hausse décrétée. En effet, considérant l’ensemble des arguments anti-hausse démontrant entre autres la possibilité de revoir la structure de gestion des universités québécoises, je constate que l’entêtement du gouvernement n’a absolument rien à voir avec le désir proclamé de voir nos universités se hisser parmi les meilleures sur le paysage international. Surtout, je constate qu’il est grand temps que nous soyons dirigés par des gouvernements qui ne sont pas constitués par une majorité de baby-boomers, génération qui ne représente plus la majorité de la population (2) et qui semble beaucoup moins préoccupée par l’avenir de nos universités que par celui de leurs régimes de retraites (qui, soit dit en passant, seront maintenues entre autres par les impôts payés majoritairement par des finissants universitaires). Quand les libéraux se sont fait élire en 2003, en plus de la promesse opportuniste de défaire les fusions proclamées par leurs prédécesseurs, ils ont crié sur toutes les tribunes que leur priorité était la santé. Avez-vous vu une amélioration dans votre temps d’attente à l’urgence? Moi, non. Et quand Pauline Marois se fait taxer d’opportunisme politique en promettant de revoir la hausse à la baisse – et surtout, de repenser l’université elle-même – j’ai tendance à trouver ça pas mal plus constructif que de défaire des fusions dont le gros bon sens était plutôt criant…
Finalement, et c’est l’élément déclencheur du présent billet: je suis inquiet par la juridiciarisation du débat. Je suis encore plus inquiet par les victoires et semi-victoires des demandeurs s’opposant aux grèves DÉMOCRATIQUEMENT ADOPTÉES. Comme je le disais plus tôt sur ma page Facebook, je suis sur le point de demander moi aussi deux injonctions. Puisque je n’ai voté ni pour les conservateurs fédéraux, ni pour les libéraux provinciaux, et même si ils l’ont emporté par une majorité (parfois discutable), je me sens individuellement brimé par ces choix collectifs (3). Tout comme certains étudiants se sentent brimés par la grève. Il semblerait que notre contexte numérique et atomisé actuel nous fait oublier que notre société fonctionne par le biais de décisions prises par une majorité d’individus. Si certains étudiants jugent inacceptable de patienter pendant que la majorité tente de faire avancer les choses pour le bien commun, je vois mal pourquoi je patienterais tranquillement quatre autres années pendant que des gouvernements de droite massacrent la conception que je me fais de mon pays, peu importe que ce pays soit le Canada ou le Québec. (j’aimerais ajouter ici que les discours pro-hausse, qui commencent toujours par « on n’est pas individualistes, mais », ne m’ont jamais démontré autre chose que l’individualisme le plus criant. Je me trompe peut-être, mais ma perception se fonde néanmoins sur une volonté d’impartialité guidant une quantité importante de lectures)
Par ailleurs, tant que la mobilisation étudiante se poursuivra, mon inquiétude sera en partie apaisée…
Mais si on (excluant la personne qui écrit!) réélit ce gouvernement corrompu et complètement déconnecté de la population qu’il représente, mon inquiétude deviendra très certainement une angoisse généralisée!
AJOUT: Je viens d’apprendre l’existence d’une pétition réclamant un moratoire sur la hausse et la tenue d’états généraux sur l’éducation supérieure. J’invite tous ceux qui se sentent interpelés par les enjeux touchant l’avenir de l’université à signer cette pétition sur le site de l’Assemblée nationale!
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(1) Une quantité phénoménale d’articles a été écrite pour dénoncer de façon constructive la hausse et ses enjeux. Vous pouvez en lire un très bref échantillon ici, ici, ici, ici et ici.
(2) Même si cela pourrait en surprendre plus d’un, la génération NET (aussi connue sous le nom de génération Y) compose une proportion plus importante de la population que les boomers. Déjà en 1997, cette situation était décrite par Don Tapscott (Growing Up Digital: The Rise of the Net Generation).
(3) Rappelons que les conservateurs de Stephen Harper se sont fait élire par 39% de la population, soit un peu plus du tiers. Ceci signifie que la majorité, elle, s’oppose à ce gouvernement!