L’Alchimiste ou Lamartine?

Je profite de cette tribune pour jeter mon grain de sel dans un débat que je trouve très intéressant, à savoir la question du corpus littéraire enseigné dans les écoles et CEGEPs du Québec, sujet d’un dossier dans le cahier A de La Presse ce matin. Voici donc une courte réflexion en lien ce dossier, que vous pouvez lire en ligne ici.

La question de fond que soulève ce dossier se résume à savoir s’il faut imposer aux professeurs de français du secondaire et du CEGEP un corpus de lectures obligatoires, de sorte à assurer une constance dans la culture générale que reçoivent les étudiants. Car dans l’état actuel des choses, un élève peut terminer son secondaire sans savoir qui est Alexandre Dumas, et sans avoir lu autre chose que des bouquins que je qualifierais personnellement de paralittéraires (il n’y a aucun élitisme ici; si la culture populaire a une place importante dans la société, je ne crois pas que cette place soit à l’école). En effet, si certains professeurs enseignent des classiques à la fois canoniques et contemporains, d’autres font lire à leurs élèves des bouquins du genre L’Alchimiste (Paulo Coelho) et Twilight (Stephenie Meyer), sans doute pour tenter de plaire à leurs élèves et ne pas trop les décourager de la lecture. Personnellement, je partage l’avis de la chroniqueuse Rima Elkouri, selon qui le rôle de l’école est avant tout de fournir une culture à la population travaillante de demain – et comme le dit si bien Elkouri, cela se fait en mettant « les élèves en contact avec des œuvres vers lesquelles ils n’iraient pas spontanément et qui leur permettront de développer des compétences fines en lecture ». En d’autres termes, la défense du type « je fais lire Harry Potter parce que l’important, c’est que les élèves lisent » passe complètement à côté du but. Il ne s’agit pas simplement de lire, mais également de développer une connaissance culturelle de base et uniforme.

Selon moi, le problème concerne à la fois le corpus et la didactique de la littérature. Car ce n’est pas nécessairement la lecture elle-même qui cause problème aux élèves, mais plutôt les activités effectuées en marge des lectures obligatoires. Il est complètement caduque de faire lire un roman ou une nouvelle pour demander par la suite aux élèves de produire un simpliste résumé de lecture. Il est évident que ce genre d’approche ne peut que décourager et rebuter les jeunes face à la lecture, d’autant plus qu’il n’y a rien de plus simple que de produire un résumé sans avoir lu l’ouvrage, surtout à l’ère de l’internet. Je suis donc de l’avis qu’il faut mieux outiller les futurs enseignants du français face à l’enseignement de la littérature. Et si je ne suis pas nécessairement en faveur d’une liste obligatoire de livres à lire, je suis néanmoins en accord avec la nécessité d’imposer un corpus d’auteurs et/ou de mouvements littéraires, à la fois au secondaire et au CEGEP. Car tant et aussi longtemps qu’on ne réglementera pas l’enseignement de la littérature, et tant et aussi longtemps que les élèves liront des bouquins souvent traduits et appartenant à la culture populaire (souvent anglo-saxonne), il ne faudra vraiment pas se surprendre du déclin de la culture québécoise et française.

J’aurais vraiment beaucoup plus à rajouter ici, notamment sur l’importance d’une formation culturelle consistante et cohérente à travers le Québec, ainsi que sur le rôle de la culture littéraire et médiatique dans le contexte social actuel, mais ce sera pour une autre fois. Entretemps, je vous invite à consulter le dossier sur cybrepresse et à ne pas vous gêner pour partager votre avis.

A propos The Prof

Un professeur de communication et de cinéma qui s'initie au merveilleux monde du blogue pédagogique dans le cadre de plusieurs de ses cours.
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7 commentaires pour L’Alchimiste ou Lamartine?

  1. Mr.Bear dit :

    De ce que je me souvient, je n’es jamais pus lire un Harry Potter au Primaire et encore moins au secondaire. Serte les choses sembles avoir changées. Malgré tout, la littérature québécoise est négligée selon moi, et ce a plusieurs niveaux d’éducation, soit le primaire et le secondaire. Ce sont souvent les œuvres de Tremblay qui sont enseigné mais plusieurs auteur de qualité restent inconnu au jeunes.

  2. lionnel dit :

    Je crois que pour attiser un intérêt chez des gens peu intéressés à la lecture, du « Harry Potter » est un contenu peu « profond » mais quand même connu et accessible pour tout le monde, et reste analysable.

    Forcer de donner à lire du contenu culturel Québecois est correct selon moi car les bon livres du Québec ne manquent pas. Suffit de prendre le temps de faire le tour.

    C’est les livres plus classiques qui sont un peu plus dur a lire.

  3. The Prof dit :

    Les livres « classiques » sont sans doute moins accessibles, mais selon moi le rôle de l’école est de fournir une éducation et un bagage culturel. Dans cette optique, je crois qu’il est erroné de priver les générations plus jeunes de connaissances culturelles importantes sous prétexte qu’elles sont moins facile à intégrer. Je ne suis pas en train de militer pour un enseignement de Nelligan au primaire, mais je crois qu’il est passablement hallucinant que des diplômés du CEGEP ne l’aient jamais lu…

    Depuis la parution du dossier qui a motivé ce billet, on a beaucoup jasé de cette question sur les tribunes publiques. Vous pouvez écouter notamment l’émission de Christiane Charette du lundi 8 février 2010 (http://www.radio-canada.ca/emissions/christiane_charette/2009-2010/chronique.asp?idChronique=103201).

  4. Je crois qu’imposé des lectures trop difficiles à des élèves du secondaire ne fera rien d’autre que les empêcher de lire définitivement. Honnêtement, je n’ai jamais lu un seul livre de tout mon secondaire même s’il s’agissait d’un Harry Potter ou d’un seigneur des anneaux… Moi, je jouais au hockey et mes devoirs et leçons étaient le dernier de mes soucis. J’ai commencé à lire au cégep grâce à deux très bon cours et deux très bon professeurs : Martin Guérin en Cinéma Québecois et Tommy Allen en Littérature Québecoise… Au secondaire, tout ce que je me puisse me souvenir de mes cours d’histoires c’est la combien insignifiante traite des fourrures avec les amérindiens et que j’avais triché pour la question de fin d’année sur les 5 traités/proclamations. J’ai commencé à apprécier ma culture quand on m’a appris qu’est-ce qu’était ma propre culture. C’est lorsqu’on m’a raconté ce que Durham a écrit comme rapport, c’est lorsqu’on m’a raconté l’histoires des patriotes, c’est lorsqu’on m’a montré 15 février 1839 et Octobre de Falardeau, Les ordres de Brault, La liberté en colère de Lafond, Les évènements d’octobre 70 de Spry et etc. que j’ai vraiment appris qu’est-ce qu’était le Québec et que j’ai finalement pu l’apprécier. Commençons par intéresser les jeunes à leur culture par des moyens plus faciles comme ces films à valeur historiques qui reflètent si bien notre société… Car je suis prêt à parier qu’il est actuellement impossible de faire apprécier un livre tel que L’hiver de force de Ducharme à un élève de niveau secondaire.

    • The Prof dit :

      Excellente réponse, cyberblogmedia. Et si je suis généralement en accord avec toi, je crois qu’il reste néanmoins un élément non abordé: la FAÇON dont est enseignée la littérature et la culture au secondaire et au CÉGEP. En demandant à un étudiant du secondaire de lire Alexandre Dumas, en lui disant qu’il y aura un quiz par la suite ou en lui demandant de faire un résumé de lecture, on s’assure qu’il ne lira pas le livre et qu’il jouera au hockey. Le problème avec l’enseignement de la littérature est grandement lié à la didactique de la littérature, c’est à dire COMMENT on l’enseigne. Que les cinémas de Brault et de Falardeau t’aient marqué au CÉGEP est une excellente chose, mais ne crois-tu pas qu’il soit un peu dommage que rien ne t’ait marqué au secondaire?

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