Je prends la peine d’écrire, très rapidement, un micro-billet qui fait suite à une lettre à Anne-Marie Losique que je viens de lire sur Facebook. La lettre en question est écrite au JE par un « mâle pubère » constituant le soi-disant public-cible des discours de plus en plus sexualisant qui peuplent nos médias de masse, et je trouve que la réflexion qui s’en dégage est hautement pertinente.
La question de fond se résumerait selon moi ainsi: à qui profite vraiment la sexualisation médiatique généralisée qui caractérise notre époque? La question est vraiment large et appelle des réflexions à la fois variées et étendues, mais la lettre citée ci-haut propose un point de départ fort pertinent: le public-cible visé n’est pas dupe. Il voit dans l’objectivation sexuelle une stratégie de mise en marché. Devant ce que Brian McNair nomme la pornographication de la culture (et ce que Richard Poulin nomme en français la pornographisation de la culture), l’individu cherchant à développer une littératie médiatique doit se poser la question suivante, fort bien formulée dans la lettre en question: « de quel côté est le conformisme en 2010 : du côté des Barbie modifiées ou de celui de celles qui veulent être respectées pour ce qu’elles sont? »
Bref, une lettre à lire, à partager, à commenter.
Bien que Facebook soit très populaire, je vous rappel cher The Prof, que tout le monde n’y est pas forcément inscrit.
Il serait peut être judicieux de citer cette lettre pour que tous puissent savoir de quoi vous parlez.
Voilà un excellent point! Je partage donc la lettre ici-même:
Lettre à Anne-Marie Losique
par Olivier Bruel, 4 octobre 2010, à 21:05
Madame Losique,
Avec une semaine de retard, je viens de regarder votre prestation à Tout le monde en parle. Faisant partie des mâles pubères – et donc de votre cible, comme on dit en marketing –, je dois vous dire une chose : je ne vous crois pas. Et tous les gens autour de moi, jeunes, vieux, hommes, femmes, hétérosexuels, homosexuels, riches, pauvres, pour peu qu’ils aient un peu de jugement, ne vous croient pas plus.
Non, nous ne croyons pas à votre pitch de vente, nous ne croyons aucun de vos arguments, ni à votre épanouissement de femme, ni à la touchante dédicace à votre mère, ni à votre innocence, ni à votre spontanéité calculée. Nous ne voyons que trois choses : la superficialité que vous affichez jusque dans votre chair rabotée; le plan marketing de votre entreprise médiatique; et surtout, votre immense hypocrisie.
Vous avez un produit à vendre. Vous avez un concept. C’est parfait.
Madame Losique, n’essayez pas de nous faire avaler votre recherche d’unicité alors que vos attributs plastiques hurlent votre besoin de ressembler aux cohortes de pornstars qui hantent nos écrans. Ne fustigez pas la dominance machiste en servant votre érotisme démagogique aux cro-magnons de salon. Ne prétendez pas nous faire découvrir les beautés du Québec grâce à votre pathétique livre de fesses. Mais surtout, lâchez donc ces emmerdeuses « qui nous dominent et veulent que toutes les femmes se ressemblent »! Ouvrez vos yeux – si c’est chirurgicalement possible – et demandez-vous de quel côté est le conformisme en 2010 : du côté des Barbie modifiées ou de celui de celles qui veulent être respectées pour ce qu’elles sont?
Vous êtes une femme d’affaires qui a assimilé l’impérissable notion selon laquelle le cul fait vendre. L’affront est suffisant pour que vous vous enrichissiez sans nous bullshiter avec votre éthique de synthèse. Nous sommes la génération Internet : rien d’autre ne nous choque que le mensonge.
Maintenant, pour voir si Losique rime vraiment avec logique, permettez-moi de vous tendre le miroir de votre prestation.
Je suis un homme d’affaires aux dents longues et je remercie mon père de m’avoir légué ses belles valeurs : la supériorité masculine et la domination de la femme. Pour financer mon futur empire médiatique dont le fer de lance est une chaîne thématique nommée Gino, je publie un livre de photos où je pose, habillé de cuir, au milieu de jeunes filles soumises et dénudées. Invité à TLMEP à titre de freak-du-dimanche, j’arrive en me pavanant dans mon t-shirt Playboy (pour bien montrer mes allégeances) et je défends ma position avec bonne humeur, renvoyant dans le même vestiaire puritains, féministes et philosophes. À la question de la provocation, je rétorque en me grattant l’entrejambe que j’achète mon linge en spécial sur la rue Ste-Catherine, et je demande à Danny ce qui peut bien le choquer. À la question du manque d’attention, je réponds que pas du tout; c’est l’épanouissement de ma personnalité qui m’a mené où je suis. Merci Papa. Et les millions que j’accumule? C’est pour montrer aux Américains qu’on peut penser big, nous aussi! Oui, Mesdames et Messieurs, je suis un visionnaire, un guide, un libérateur! Et je sors du plateau sous les applaudissements d’un public qui vient de découvrir avec ravissement que ce qu’il croyait être un penchant honteux était en fait une opinion.